Hoshi no Suna ~ chapitre 8
Nov. 20th, 2007 11:31 pm![[personal profile]](https://www.dreamwidth.org/img/silk/identity/user.png)
Un wallpaper crado pour ceusses qui n'en veulent; j'ai juste rajouté le slogan parce que j'aime bien ça, les slogans. Et sinon, sous le LJ cut ci-dessus, découvrez la première de toutes les fangirls au monde.
Chapitre 8! On avance, on avance! 8 est aussi mon chiffre préféré pour plein de raisons. Y'a encore des trucs pas cool qui arrivent à Mimi dans ce chapitre, je me demande quand je vais enfin arrêter de le faire souffrir 9____9 faut que je me fasse soigner, c'est pas possible...
Le thème musical aurait dû être "L'Homme Pressé" de Noir Désir mais à cause d'une certaine personne, ça a changé. Du coup l'ambiance du chapitre est différente de celle que j'escomptais au départ (tant mieux?).
J'ai rien relu, comme la dernière fois, je sais que je m'en repentirai demain en relisant. Tant pis.
""Miyavi"? Hohoho! Qui a trouvé le nom?"
Je me figeai, gardant mon bras bien immobile malgré le poids de la théière en fonte; j'attendais sa réponse.
-"Notre staff marketing. Ils sont très compétents."
Comme s'il était du genre à laisser son staff marketing trouver des noms, le faux cul. D'ailleurs j'aurais plutôt dû lui demander à en faire partie: être payé à rien foutre, c'est pas mal non plus, comme job.
Le gros rougeaud aux petits yeux opina du chef et la lumière joua sur son crâne lisse. Brusquement, il se tourna vers moi pour me brandir sa tasse au visage:
-"Alors à la tienne, "Miyavi"!"
Puis il éclata de rire en se tapant les cuisses. Il regarda aussi chacun des convives pour bien vérifier que tout le monde riait avec lui. Kawada, producteur de télé de la NHK coincé, avec la tête de Spock et les culs-de-bouteille du Dalaï-Lama, se contenta de pincer les lèvres. Fujimoto, ancien joueur de base-ball, quatrième batteur correct aux Golden Eagles de Sendai, actionnaire majoritaire des principales chaînes de radio nationales, mafieux notoire, rit plus fort que tout le monde en poussant du coude son second.
Mon grand comique de voisin était Sanada Ichirô, la cinquantaine grasse et chauve, une femme à la maison, un fils à Tôdai, et plusieurs comptes en Suisse: éminence grise des plus grandes maisons de disques de l'Asie du Sud-Est. On n'aurait pas dit, comme ça, avec ses auréoles de sueur sous les bras. Je voulais très fort lui foutre un coup de théière. Mon poing se crispa sur la poignée. Kamui choisit cet instant précis pour se mettre à rire. Son rire sonnait juste et personne n'aurait pu mettre en doute sa sincérité. Mais c'était le moment qui était étrange: tout le monde, y compris Sanada, avait fini, et lui riait comme s'il venait tout juste de comprendre ce qu'il y avait de drôle. Ça, ou alors il riait d'autre chose. Ses invités préférèrent croire à la première solution et tentèrent de l'accompagner, mais c'était surtout la gêne qui dominait. Camui Gackt était connu pour son excentricité, ce qui devait constituer la plupart du temps une excuse bien pratique.
-"Il est vrai que le nom peut sembler étrange aux oreilles japonaises, M. Sanada, reprit-il en retrouvant son sérieux comme s'il ne l'avait jamais perdu. Néanmoins, notre stratégie est très étudiée. Nous visons à la fois le marché local et l'Occident. Au Japon, il serait perçu comme urbain, moderne et raffiné - j'ai engagé un jeune New-Yorkais parmi les stylistes. Pour le reste du monde toutefois, il sera une beauté japonaise traditionnelle, pré-Meiji; délicat, à la fois éthéré et épique. Je le veux à la base d'un nouveau cliché du Japon, un nouveau romantisme, puissant et inspiré."
Il n'y avait pas eu de pause dans son discours, pourtant rien ne laissait penser qu'il avait été pensé à l'avance ou répété.
-"C'est vrai que le kimono lui va particulièrement bien..." dit Sanada en me jetant un regard gluant.
Je me crispai suffisamment pour parvenir à imiter un rougissement de modestie en retour.
-"Oh, c'est loin d'être tout, répondit Kamui avec un sourire suave. Montrez-leur, Miyavi-kun."
Je posai la théière au sol et lui rendit son sourire.
-"Avec plaisir, Gackt-sama."
Il y eut un hoquet de consternation général lorsque je me levai pour leur présenter mon dos et fis tomber le kimono de mes épaules. Suivit un silence que je traduisis par de l'appréciation, car je savais qu'ils contemplaient une oeuvre d'art. Sur une de ses tocades, Kamui avait fait tatouer un sutra entier sur mon dos. Il n'avait même pas pris la peine de me dire lequel, et cela importait peu, finalement. Ses plans pour faire de moi une star ou quoi que ce fût d'autre, s'étaient mis en branle et ne pouvaient plus être stoppés. J'avais dû prendre congé de mon quasi père adoptif tokyoïte pour aller vivre désormais chez Kamui, à Sendai. Il habitait dans une maison à l'ancienne, avec des domestiques et tout le tralala, et nous recevions à présent tous les grands pontes des media japonais, pour une cérémonie du thé "impromptue", officiellement. Officieusement, il s'agissait de la première présentation publique du produit que je constituais. Mon impressionnant tatouage dorsal n'était frais que de quelques semaines.
Les premiers jours, ça m'avait fait peler comme un vieux singe. Par moments, j'avais voulu m'arracher la peau du dos: chaque signe tatoué m'avait démangé comme autant de tiques particulièrement vicieuses et enfouies profond sous ma peau. Mais Kamui m'avait attaché à son lit, allongé sur le ventre, autant de fois qu'il avait été nécessaire pour m'empêcher de soulager mes démangeaisons en me grattant jusqu'au sang. Tous les soirs, par la suite, il s'était personnellement occupé de me couvrir de crème hydratante pour apaiser ma peau en révolte. Pendant toute cette période, je n'avais vécu que dans sa chambre, sans avoir d'interaction avec personne d'autre que lui. Le jour, il avait aussi veillé lui-même à ce que je pratiquasse la guitare, pour m'occuper les mains. Puis, lorsque l'oeuvre d'art avait enfin émergé de la peau galeuse du singe, j'étais enfin parvenu à enchaîner correctement quelques accords basiques de guitare.
-"Vous pouvez vous rhabiller, Miyavi."
Je ne remis qu'une manche de kimono en place, par paresse ou par insolence, et alla m'affaler à nouveau près de Sanada. Les tissus se froissèrent en amples pétales, tout autour. Je ramenai une jambe à moi, un pli se défit, les pans s'écartèrent, et mon genou puis le haut de ma cuisse furent mis à jour. Je ne fis aucun mouvement pour les couvrir et jetai plutôt un regard à la ronde pour jauger leurs réactions. Kamui aux calculs permanents arborait toujours le même masque d'insensibilité. Fujimoto et son second laissaient pendre leur mâchoire inférieure, hypnotisés par mon genou comme s'il s'agissait du Mont Yotei. Sanada ne riait plus et me considérait avec tout le sérieux du monde. Son regard fixe ne me quittait plus, et me rappela tellement celui de Kamui que je compris tout à coup comment ce petit gros aux abords inoffensifs s'était retrouvé dans une telle position de pouvoir. Contre toute attente, ce fut Kawada le coincé qui, tout en remontant ses verres épais le long de l'arrête de son nez, brisa le silence en décrétant:
-"Oui. Je pense qu'à présent nous voyons tous très clairement ce que vous vouliez dire, Gackt-san."
La foule me fit l'effet de la plus grande des catastrophes, comme si je me retrouvais soudain face à la fin du monde. Je pensai à cette actrice qui vomissait de trac avant chaque entrée sur scène. Moi je ne pouvais même pas vomir, même pas de la bile, même pas, mon estomac était aussi vide que mon esprit à cet instant précis. Et je n'avais même pas mis un pied sur scène, cette scène qui me semblait aussi petite qu'un minuscule rocher, une brindille comme abri face au tsunami rugissant du public. Putain. Putain de putain de bordel de putain. Je ne savais pas jouer, j'avais une guitare qui me glissait entre mes mains moites, je n'avais eu qu'une heure pour connaître la chanson que j'étais supposé jouer. Le mec occupé avec un casque et un planning m'avait dit: ce n'est pas grave, ce sera du playback, il faut juste faire semblant de jouer. Kamui m'avait dit: non, je ne serai pas là, nous passons avec Malice Mizer après. Hyde est un ami, c'est juste un échange de faveurs, tout se passera bien. Ce ne sera que pour une chanson. Hyde m'avait dit: ouais, tu es pas mal, hein, plutôt bien foutu, c'est cool, on se voit sur scène.
C'était ce putain d'enculé de Sanada qui avait voulu me voir le plus tôt possible en public, connard, putain de connard, dès le lendemain de la cérémonie du thé, Kamui m'avait annoncé que j'allais jouer pour Hyde. Je n'avais pas pu discuter, ni même hurler que je ne savais rien et que je n'étais pas prêt. Je n'avais pas dormi. J'avais répété les seuls accords que je connaissais de façon complètement hystérique jusqu'à ce que Kamui m'attachât à nouveau. Ce n'était ni le bruit ni mon insomnie qui l'avaient dérangé, il ne lui suffisait que deux heures de sommeil par nuit de toute façon; il était intervenu simplement pour que mes doigts ne fussent pas abîmés.
J'étais resté ainsi jusqu'au petit matin, les bras par-dessus la tête et les yeux grand ouverts. Quand Kamui avait voulu me baiser, je m'étais laissé faire bien docilement, j'y avais même pris du plaisir. Puis il était sortit de la chambre et peu de temps après Sachiko s'était ruée pour me détacher. Elle m'avait fait prendre un bain, m'avait habillé, comme une poupée, puis m'avait accompagné jusqu'à la Mercedes qui devait me conduire jusqu'au stade.
Sur place, on m'avait fait écouter la chanson, en boucle, montré vaguement comment jouer. Ça n'avait ressemblé strictement à rien. On avait passé plus de temps à m'habiller et à me coiffer et me maquiller. A chaque coiffeur et à chaque maquilleur, j'avais essayé d'expliquer que c'était ridicule, que je ne savais pas ce que je faisais là. On m'avait assuré qu'au contraire, j'étais vraiment très beau, et qu'il n'y avait quasiment rien à faire pour mes cheveux tellement ils étaient beaux avec une coupe tellement "edgy".
Moi et ma coupe "edgy" nous retrouvions à présent à un pas de la scène et d'une foule inconcevable, avec ma guitare qui n'arrêtait pas de me glisser des mains. C'était de la folie furieuse, mais ça ressemblait aussi furieusement à Kamui. Lorsque le type au casque me donna le signal pour faire mon entrée, je me mis à rire. Sans pouvoir m'arrêter. Je me pliai au-dessus de ma guitare, secoué de spasmes, et peut-être que je fis un pas en avant sans m'en rendre compte, pour m'empêcher de tomber, parce que je me retrouvai soudain dans la lumière aveuglante. C'était un rêve. C'était très certainement un rêve, le genre de cauchemar idiot où on passe ses examens en pyjamas. Je cherchai à reprendre mon souffle, mais la foule qui hurlait me fit pouffer à nouveau. La chanson commença, tonitruante. En mode automatique, je fis n'importe quoi avec la guitare en souriant comme un dément, les joues étirées à m'en faire mal: personne sembla rien remarquer, la foule hurlait toujours de façon continue. Le hurlement monta juste d'un cran quand Hyde fit son entrée et commença à chanter. Personne ne prêtait attention à moi. Tout le monde s'en foutait. Personne n'attendait rien de moi, mon play-back n'avait aucune importance, pire, je soupçonnai les spectateurs d'avoir pleinement conscience qu'il s'agissait d'un play-back. Quand bien même: ils n'en avaient rien à foutre. Ils étaient venus pour le plaisir des yeux. Le rire était encore sur mes lèvres. Je m'avançai sur le devant de la scène où Hyde s'époumonait à faire semblant de chanter. Il sembla ébahi de me trouver là, comme si les plantes en pot s'étaient soudain mises à marcher. La chanson tirait à sa fin. Je lui souris de toute mes dents, empoigna ma guitare à deux mains et la fracassa contre un ampli. La chanson continuait de jouer, je fus repris d'un fou rire: c'était le solo de guitare final, et ma guitare était en morceaux grésillants à mes pieds. Le hurlement de la foule avait légèrement diminué, la surprise sans doute. Mais j'étais un magicien et je voulais les entendre aussi fort qu'avant, alors je fis passer mon débardeur par-dessus ma tête. Lorsqu'ils virent mon dos, il y eut une déferlante de cris aigus qui prit de plus en plus d'ampleur, comme si sa montée n'allait jamais s'arrêter; j'eus un début d'érection. Je m'approchai de Hyde, qui eut un mouvement de recul, mais je fus plus rapide et en lui empoignant les cheveux à l'arrière de son crâne, je collai ma bouche contre la sienne et mon bassin contre le sien. Juste une seconde, à peine, mais une seconde suffisante pour l'empêcher de remuer la bouche pour le play-back qui continuait. Aucune importance, les cris de la foule avaient encore redoublé et plus personne n'entendait rien. Je passai un bras autour du cou de Hyde qui essaya tant bien que mal de se remettre en synchro. Je tirai la langue et fit un salut au public; ils adorèrent. Je me passai une main languide sur le torse, ils furent aux anges. Hyde avait de plus en plus de mal, mais heureusement, la chanson prit fin. Il devait sans doute être furieux, mais il me donna un coup de langue complice sur la joue pour prétendre que mon exaction avait été planifiée et que tout ça n'était que du fan service. Bon prince, je regagnai les coulisses tandis qu'il resta sur scène pour recueillir les applaudissements finaux. Le type au casque m'arrêta en chemin. Je crus que c'était pour m'engueuler ou me mettre un pain pour ce que j'avais fait, mais il me glissa simplement que M. Sanada voulait me voir seul dans ma loge. Je ne savais même pas que j'avais une loge. Le type au casque me conduisit et me laissa à la porte. Je tentai de rassembler mes esprits. A priori, il devait y avoir de la crème hydratante ou un truc comme ça à l'intérieur; pour la lubrification, ça devait pouvoir aller. Pour les préservatifs, tant pis. J'aurais dû demander au type au casque. Et puis, peut-être que je n'aurais pas à me faire pénétrer; une fellation devrait suffire, non? J'aurais voulu avoir de la drogue sur moi. Peut-être que Sanada en aurait...?
Je fis tourner la poignée.
Je me figeai, gardant mon bras bien immobile malgré le poids de la théière en fonte; j'attendais sa réponse.
-"Notre staff marketing. Ils sont très compétents."
Comme s'il était du genre à laisser son staff marketing trouver des noms, le faux cul. D'ailleurs j'aurais plutôt dû lui demander à en faire partie: être payé à rien foutre, c'est pas mal non plus, comme job.
Le gros rougeaud aux petits yeux opina du chef et la lumière joua sur son crâne lisse. Brusquement, il se tourna vers moi pour me brandir sa tasse au visage:
-"Alors à la tienne, "Miyavi"!"
Puis il éclata de rire en se tapant les cuisses. Il regarda aussi chacun des convives pour bien vérifier que tout le monde riait avec lui. Kawada, producteur de télé de la NHK coincé, avec la tête de Spock et les culs-de-bouteille du Dalaï-Lama, se contenta de pincer les lèvres. Fujimoto, ancien joueur de base-ball, quatrième batteur correct aux Golden Eagles de Sendai, actionnaire majoritaire des principales chaînes de radio nationales, mafieux notoire, rit plus fort que tout le monde en poussant du coude son second.
Mon grand comique de voisin était Sanada Ichirô, la cinquantaine grasse et chauve, une femme à la maison, un fils à Tôdai, et plusieurs comptes en Suisse: éminence grise des plus grandes maisons de disques de l'Asie du Sud-Est. On n'aurait pas dit, comme ça, avec ses auréoles de sueur sous les bras. Je voulais très fort lui foutre un coup de théière. Mon poing se crispa sur la poignée. Kamui choisit cet instant précis pour se mettre à rire. Son rire sonnait juste et personne n'aurait pu mettre en doute sa sincérité. Mais c'était le moment qui était étrange: tout le monde, y compris Sanada, avait fini, et lui riait comme s'il venait tout juste de comprendre ce qu'il y avait de drôle. Ça, ou alors il riait d'autre chose. Ses invités préférèrent croire à la première solution et tentèrent de l'accompagner, mais c'était surtout la gêne qui dominait. Camui Gackt était connu pour son excentricité, ce qui devait constituer la plupart du temps une excuse bien pratique.
-"Il est vrai que le nom peut sembler étrange aux oreilles japonaises, M. Sanada, reprit-il en retrouvant son sérieux comme s'il ne l'avait jamais perdu. Néanmoins, notre stratégie est très étudiée. Nous visons à la fois le marché local et l'Occident. Au Japon, il serait perçu comme urbain, moderne et raffiné - j'ai engagé un jeune New-Yorkais parmi les stylistes. Pour le reste du monde toutefois, il sera une beauté japonaise traditionnelle, pré-Meiji; délicat, à la fois éthéré et épique. Je le veux à la base d'un nouveau cliché du Japon, un nouveau romantisme, puissant et inspiré."
Il n'y avait pas eu de pause dans son discours, pourtant rien ne laissait penser qu'il avait été pensé à l'avance ou répété.
-"C'est vrai que le kimono lui va particulièrement bien..." dit Sanada en me jetant un regard gluant.
Je me crispai suffisamment pour parvenir à imiter un rougissement de modestie en retour.
-"Oh, c'est loin d'être tout, répondit Kamui avec un sourire suave. Montrez-leur, Miyavi-kun."
Je posai la théière au sol et lui rendit son sourire.
-"Avec plaisir, Gackt-sama."
Il y eut un hoquet de consternation général lorsque je me levai pour leur présenter mon dos et fis tomber le kimono de mes épaules. Suivit un silence que je traduisis par de l'appréciation, car je savais qu'ils contemplaient une oeuvre d'art. Sur une de ses tocades, Kamui avait fait tatouer un sutra entier sur mon dos. Il n'avait même pas pris la peine de me dire lequel, et cela importait peu, finalement. Ses plans pour faire de moi une star ou quoi que ce fût d'autre, s'étaient mis en branle et ne pouvaient plus être stoppés. J'avais dû prendre congé de mon quasi père adoptif tokyoïte pour aller vivre désormais chez Kamui, à Sendai. Il habitait dans une maison à l'ancienne, avec des domestiques et tout le tralala, et nous recevions à présent tous les grands pontes des media japonais, pour une cérémonie du thé "impromptue", officiellement. Officieusement, il s'agissait de la première présentation publique du produit que je constituais. Mon impressionnant tatouage dorsal n'était frais que de quelques semaines.
Les premiers jours, ça m'avait fait peler comme un vieux singe. Par moments, j'avais voulu m'arracher la peau du dos: chaque signe tatoué m'avait démangé comme autant de tiques particulièrement vicieuses et enfouies profond sous ma peau. Mais Kamui m'avait attaché à son lit, allongé sur le ventre, autant de fois qu'il avait été nécessaire pour m'empêcher de soulager mes démangeaisons en me grattant jusqu'au sang. Tous les soirs, par la suite, il s'était personnellement occupé de me couvrir de crème hydratante pour apaiser ma peau en révolte. Pendant toute cette période, je n'avais vécu que dans sa chambre, sans avoir d'interaction avec personne d'autre que lui. Le jour, il avait aussi veillé lui-même à ce que je pratiquasse la guitare, pour m'occuper les mains. Puis, lorsque l'oeuvre d'art avait enfin émergé de la peau galeuse du singe, j'étais enfin parvenu à enchaîner correctement quelques accords basiques de guitare.
-"Vous pouvez vous rhabiller, Miyavi."
Je ne remis qu'une manche de kimono en place, par paresse ou par insolence, et alla m'affaler à nouveau près de Sanada. Les tissus se froissèrent en amples pétales, tout autour. Je ramenai une jambe à moi, un pli se défit, les pans s'écartèrent, et mon genou puis le haut de ma cuisse furent mis à jour. Je ne fis aucun mouvement pour les couvrir et jetai plutôt un regard à la ronde pour jauger leurs réactions. Kamui aux calculs permanents arborait toujours le même masque d'insensibilité. Fujimoto et son second laissaient pendre leur mâchoire inférieure, hypnotisés par mon genou comme s'il s'agissait du Mont Yotei. Sanada ne riait plus et me considérait avec tout le sérieux du monde. Son regard fixe ne me quittait plus, et me rappela tellement celui de Kamui que je compris tout à coup comment ce petit gros aux abords inoffensifs s'était retrouvé dans une telle position de pouvoir. Contre toute attente, ce fut Kawada le coincé qui, tout en remontant ses verres épais le long de l'arrête de son nez, brisa le silence en décrétant:
-"Oui. Je pense qu'à présent nous voyons tous très clairement ce que vous vouliez dire, Gackt-san."
La foule me fit l'effet de la plus grande des catastrophes, comme si je me retrouvais soudain face à la fin du monde. Je pensai à cette actrice qui vomissait de trac avant chaque entrée sur scène. Moi je ne pouvais même pas vomir, même pas de la bile, même pas, mon estomac était aussi vide que mon esprit à cet instant précis. Et je n'avais même pas mis un pied sur scène, cette scène qui me semblait aussi petite qu'un minuscule rocher, une brindille comme abri face au tsunami rugissant du public. Putain. Putain de putain de bordel de putain. Je ne savais pas jouer, j'avais une guitare qui me glissait entre mes mains moites, je n'avais eu qu'une heure pour connaître la chanson que j'étais supposé jouer. Le mec occupé avec un casque et un planning m'avait dit: ce n'est pas grave, ce sera du playback, il faut juste faire semblant de jouer. Kamui m'avait dit: non, je ne serai pas là, nous passons avec Malice Mizer après. Hyde est un ami, c'est juste un échange de faveurs, tout se passera bien. Ce ne sera que pour une chanson. Hyde m'avait dit: ouais, tu es pas mal, hein, plutôt bien foutu, c'est cool, on se voit sur scène.
C'était ce putain d'enculé de Sanada qui avait voulu me voir le plus tôt possible en public, connard, putain de connard, dès le lendemain de la cérémonie du thé, Kamui m'avait annoncé que j'allais jouer pour Hyde. Je n'avais pas pu discuter, ni même hurler que je ne savais rien et que je n'étais pas prêt. Je n'avais pas dormi. J'avais répété les seuls accords que je connaissais de façon complètement hystérique jusqu'à ce que Kamui m'attachât à nouveau. Ce n'était ni le bruit ni mon insomnie qui l'avaient dérangé, il ne lui suffisait que deux heures de sommeil par nuit de toute façon; il était intervenu simplement pour que mes doigts ne fussent pas abîmés.
J'étais resté ainsi jusqu'au petit matin, les bras par-dessus la tête et les yeux grand ouverts. Quand Kamui avait voulu me baiser, je m'étais laissé faire bien docilement, j'y avais même pris du plaisir. Puis il était sortit de la chambre et peu de temps après Sachiko s'était ruée pour me détacher. Elle m'avait fait prendre un bain, m'avait habillé, comme une poupée, puis m'avait accompagné jusqu'à la Mercedes qui devait me conduire jusqu'au stade.
Sur place, on m'avait fait écouter la chanson, en boucle, montré vaguement comment jouer. Ça n'avait ressemblé strictement à rien. On avait passé plus de temps à m'habiller et à me coiffer et me maquiller. A chaque coiffeur et à chaque maquilleur, j'avais essayé d'expliquer que c'était ridicule, que je ne savais pas ce que je faisais là. On m'avait assuré qu'au contraire, j'étais vraiment très beau, et qu'il n'y avait quasiment rien à faire pour mes cheveux tellement ils étaient beaux avec une coupe tellement "edgy".
Moi et ma coupe "edgy" nous retrouvions à présent à un pas de la scène et d'une foule inconcevable, avec ma guitare qui n'arrêtait pas de me glisser des mains. C'était de la folie furieuse, mais ça ressemblait aussi furieusement à Kamui. Lorsque le type au casque me donna le signal pour faire mon entrée, je me mis à rire. Sans pouvoir m'arrêter. Je me pliai au-dessus de ma guitare, secoué de spasmes, et peut-être que je fis un pas en avant sans m'en rendre compte, pour m'empêcher de tomber, parce que je me retrouvai soudain dans la lumière aveuglante. C'était un rêve. C'était très certainement un rêve, le genre de cauchemar idiot où on passe ses examens en pyjamas. Je cherchai à reprendre mon souffle, mais la foule qui hurlait me fit pouffer à nouveau. La chanson commença, tonitruante. En mode automatique, je fis n'importe quoi avec la guitare en souriant comme un dément, les joues étirées à m'en faire mal: personne sembla rien remarquer, la foule hurlait toujours de façon continue. Le hurlement monta juste d'un cran quand Hyde fit son entrée et commença à chanter. Personne ne prêtait attention à moi. Tout le monde s'en foutait. Personne n'attendait rien de moi, mon play-back n'avait aucune importance, pire, je soupçonnai les spectateurs d'avoir pleinement conscience qu'il s'agissait d'un play-back. Quand bien même: ils n'en avaient rien à foutre. Ils étaient venus pour le plaisir des yeux. Le rire était encore sur mes lèvres. Je m'avançai sur le devant de la scène où Hyde s'époumonait à faire semblant de chanter. Il sembla ébahi de me trouver là, comme si les plantes en pot s'étaient soudain mises à marcher. La chanson tirait à sa fin. Je lui souris de toute mes dents, empoigna ma guitare à deux mains et la fracassa contre un ampli. La chanson continuait de jouer, je fus repris d'un fou rire: c'était le solo de guitare final, et ma guitare était en morceaux grésillants à mes pieds. Le hurlement de la foule avait légèrement diminué, la surprise sans doute. Mais j'étais un magicien et je voulais les entendre aussi fort qu'avant, alors je fis passer mon débardeur par-dessus ma tête. Lorsqu'ils virent mon dos, il y eut une déferlante de cris aigus qui prit de plus en plus d'ampleur, comme si sa montée n'allait jamais s'arrêter; j'eus un début d'érection. Je m'approchai de Hyde, qui eut un mouvement de recul, mais je fus plus rapide et en lui empoignant les cheveux à l'arrière de son crâne, je collai ma bouche contre la sienne et mon bassin contre le sien. Juste une seconde, à peine, mais une seconde suffisante pour l'empêcher de remuer la bouche pour le play-back qui continuait. Aucune importance, les cris de la foule avaient encore redoublé et plus personne n'entendait rien. Je passai un bras autour du cou de Hyde qui essaya tant bien que mal de se remettre en synchro. Je tirai la langue et fit un salut au public; ils adorèrent. Je me passai une main languide sur le torse, ils furent aux anges. Hyde avait de plus en plus de mal, mais heureusement, la chanson prit fin. Il devait sans doute être furieux, mais il me donna un coup de langue complice sur la joue pour prétendre que mon exaction avait été planifiée et que tout ça n'était que du fan service. Bon prince, je regagnai les coulisses tandis qu'il resta sur scène pour recueillir les applaudissements finaux. Le type au casque m'arrêta en chemin. Je crus que c'était pour m'engueuler ou me mettre un pain pour ce que j'avais fait, mais il me glissa simplement que M. Sanada voulait me voir seul dans ma loge. Je ne savais même pas que j'avais une loge. Le type au casque me conduisit et me laissa à la porte. Je tentai de rassembler mes esprits. A priori, il devait y avoir de la crème hydratante ou un truc comme ça à l'intérieur; pour la lubrification, ça devait pouvoir aller. Pour les préservatifs, tant pis. J'aurais dû demander au type au casque. Et puis, peut-être que je n'aurais pas à me faire pénétrer; une fellation devrait suffire, non? J'aurais voulu avoir de la drogue sur moi. Peut-être que Sanada en aurait...?
Je fis tourner la poignée.